et puis lui encore et toujours
Mars.
Il tombe encore des grêlons,
Mais on sait bien que c'est pour rire.
Quand les nuages se déchirent,
Le ciel écume de rayons.
Le vent caresse les bourgeons
Si longuement qu'il les fait luire.
Il tombe encore des grêlons,
Mais on s'est bien que c'est pour rire.
Les fauvettes et les pinsons
Ont tant de choses à se dire
Que dans les jardins en délire
On oublie les premiers bourdons.
Il tombe encore des grêlons…
Maurice Carême (1899-1978)
et lui aussi
Premier sourire du printemps
Tandis qu'à leurs oeuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.
Pour les petites pâquerettes,
Sournoisement lorsque tout dort,
Il repasse des collerettes
Et cisèle des boutons d'or.
Dans le verger et dans la vigne,
Il s'en va, furtif perruquier,
Avec une houppe de cygne,
Poudrer à frimas l'amandier.
La nature au lit se repose ;
Lui descend au jardin désert,
Et lace les boutons de rose
Dans leur corset de velours vert.
Tout en composant des solfèges,
Qu'aux merles il siffle à mi-voix,
Il sème aux prés les perce-neiges
Et les violettes aux bois.
Sur le cresson de la fontaine
Où le cerf boit, l'oreille au guet,
De sa main cachée il égrène
Les grelots d'argent du muguet.
Sous l'herbe, pour que tu la cueilles,
Il met la fraise au teint vermeil,
Et te tresse un chapeau de feuilles
Pour te garantir du soleil.
Puis, lorsque sa besogne est faite,
Et que son règne va finir,
Au seuil d'avril tournant la tête,
Il dit : " Printemps, tu peux venir ! "
Théophile GAUTIER (1811-1872)
Mars.......
Quand le froid pétrifie la nature endormie
Sous un manteau de neige , un voile de glace
Le ciel aux nuages ne fait pas de place
Te crois tu en Mars aujourd'hui
Mars , ses nuages poussés par le vent
La pluie, les grêlons dégringolent en masse
Les froides giboulées passent, repassent
Nous cinglent le visage,quand on sort les bravant
Mars, les perce-neige pointent le bout du nez
Posent des perles blanches dans les coins couverts
Les crocus font des tâches sur le gazon vert
Fleurissent pour ne pas être piétinés
Mars , dans la forêt, l'anémone Sylvie
Etoile le tapis des feuilles de l'automne
Les jacinthes bleues toujours nous étonnent
Saphirs tombés du sac d'un bon génie
Mars , la vie foisonne au bord des étangs clairs
Des nuées d'oiseaux passent en migration
Pour faire nicher , trouvent là, leur station
Leurs appels d'Amour, vont, résonnent dans l'air
Mars, les champs brunâtres changent de visage
Les blés se lèvent en teinte d'émeuraude
Attendent les colzas qui aux journées plus chaudes
Sèmeront un carré d'or dans le paysage
Mars, mois triste, gris, mois d'hiver finissant
Mois, qui ne finit pas de pleuvoir sur les hommes
Mois de magicien , aprés il se nomme
Avril, signe le renouveau, le Printemps.........
Alfred de Musset
Le printemps
Te voilà, rire du Printemps !
Les thyrses des lilas fleurissent.
Les amantes qui te chérissent
Délivrent leurs cheveux flottants.
Sous les rayons d’or éclatants
Les anciens lierres se flétrissent.
Te voilà, rire du Printemps !
Les thyrses de lilas fleurissent.
Couchons-nous au bord des étangs,
Que nos maux amers se guérissent !
Mille espoirs fabuleux nourrissent
Nos coeurs gonflés et palpitants.
Te voilà, rire du Printemps !
Théodore de Banville
Le Thé
Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise,
Où des poissons d’or cherchent noise
Au monstre rose épouvanté.
J’aime la folle cruauté
Des chimères qu’on apprivoise :
Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise.
Là, sous un ciel rouge irrité,
Une dame fière et sournoise
Montre en ses longs yeux de turquoise
L’extase et la naïveté :
Miss Ellen, versez-moi le Thé.
Théodore de Banville
Poète du Bourbonnais né à Moulins Allier 03
Après l’hiver
N’attendez pas de moi que je vais vous donner
Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ;
La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière,
Dans les champs, dans les bois, est partout la première.
Je suis par le printemps vaguement attendri.
Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ;
Je sens devant l’enfance et devant le zéphyre
Je ne sais quel besoin de pleurer et de rire ;
Mai complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs.
Jeanne, George, accourez, puisque voilà des fleurs.
Accourez, la forêt chante, l’azur se dore,
Vous n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore.
Je suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous,
Venez, je veux aimer, être juste, être doux,
Croire, remercier confusément les choses,
Vivre sans reprocher les épines aux roses,
Être enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu.
Ô printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu !
On sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre,
Et l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ;
On mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ;
On a le doux bonheur d’être avec les oiseaux
Et de voir, sous l’abri des branches printanières,
Ces messieurs faire avec ces dames des manières.
26 juin 1878
Victor Hugo
et puisue le 8 mars c'est la journée de la Femme
Aux femmes
S’il arrivait un jour, en quelque lieu sur terre,
Qu’une entre vous vraiment comprît sa tâche austère,
Si, dans le sentier rude avançant lentement,
Cette âme s’arrêtait à quelque dévouement,
Si c’était la Bonté sous les cieux descendue,
Vers tous les malheureux la main toujours tendue,
Si l’époux, si l’enfant à ce cœur ont puisé,
Si l’espoir de plusieurs sur Elle est déposé,
Femmes, enviez-la. Tandis que dans la foule
Votre vie inutile en vains plaisirs s’écoule,
Et que votre cœur flotte, au hasard entraîné,
Elle a sa foi, son but et son labeur donné.
Enviez-la. Qu’il souffre ou combatte, c’est Elle
Que l’homme à son secours incessamment appelle,
Sa joie et son appui, son trésor sous les cieux,
Qu’il pressentait de l’âme et qu’il cherchait des yeux,
La colombe au cou blanc qu’un vent du ciel ramène
Vers cette arche en danger de la famille humaine,
Qui, des saintes hauteurs en ce morne séjour,
Pour branche d’olivier a rapporté l’amour.
Et que votre cœur flotte, au hasard entraîné,
Elle a sa foi, son but et son labeur donné.
Enviez-la ! Qu’il souffre ou combatte, c’est Elle
Que l’homme à son secours incessamment appelle,
Sa joie et son espoir, son rayon sous les cieux,
Qu’il pressentait de l’âme et qu’il cherchait des yeux,
La colombe au cou blanc qu’un vent du ciel ramène
Vers cette arche en danger de la famille humaine,
Qui, des saintes hauteurs en ce morne séjour,
Pour branche d’olivier a rapporté l’amour.
Louise Ackermann, Paris, 1835
étonnant
Complainte pour une Dame-pipi
De l’avenir, rien n’est promis.
Mais entre-temps, chantez, fillettes !
Nombreux éviers. Miroirs. Tout brille.
Portes cachant sièges-cuvettes.
Bruits d’eau. Tintement de piécettes.
Et puis ce mot sans fin redit : “Merci”.
Dans ce salon de lieux d’aisance
où les odeurs et les essences
se combattent en catimini,
vers quels ailleurs vont vos errances ?
Vous fûtes belle, Dame-pipi !
Qui vous mit en ce paysage ?
Quel tour du sort ? Quelle ironie ?
De quel airain est le rivage
où vous prenez refuge, appui ?
Sous le blanc soleil des néons
illuminant murs et plafonds,,
ressassez-vous mortes-saisons
entre serpillières et torchons ?
Vous fûtes belle, Dame-pipi !
Et craignez-vous (constante angoisse !)
de voir paraître en cet espace
quelque témoin d’un temps fini,
là, tout soudain, figé sur place ?
Redoutez-vous qu’ouvrant la porte
par où tous ces gens entrent et sortent
surgisse un jour l’ancienne amie ?
Le hasard a des coups qui portent !
Vous fûtes belle, Dame-pipi !
C’est fait !… Ce fut !… C’est arrivé !…
La mer a de sournoises lames.
Nul n’aurait deviné le drame
Si peu serait à raconter…
De part et d’autre une émotion
doublée d’un embarras sans nom.
La vie parfois a des façons !
Indélébile, l’instant qui fuit…
Vous fûtes belle, Dame-pipi !
Pourtant, penchée sur la lunette,
le front brûlant, tempes en tempête,
vous offrîtes la place nette
comme en un jour cent fois vous faites…
Dès lors les mois vous font plus grise.
Faciès où tout trait se durcit.
Lèvres nouées. Trois poils qui frisent
au creux de joues jadis exquises…
Vous fûtes belle, Dame-pipi !
Vous fûtes belle ? Songes bannis !
Et de l’emploi enfin la tête !
La hargne prête ! L’oeil aux piécettes !
Jurons rentrés à chaque oubli !
Mercis sifflants !… Étrange fête…
Esther Granek, De la pensée aux mots, 1997
Les ménagères
Au début de leur destin
c’était pourtant des filles bien.
Elles sont entrées en fonction
comme on entre en religion.
Les ménagères.
Autour d’elles elles font briller
le parquet le bois le verre
et secouent leur derrière
en mouvemements bien cadencés.
Les ménagères.
Mais dans le lit conjugal
elles sont catins c’est normal.
Leur programme est bien fourni
pour le jour et pour la nuit.
Les ménagères.
Leurs proportions corporelles
s’avachissent avec les ans.
Et de leurs pauvres cervelles
on sourit depuis longtemps.
Les ménagères.
De la carne qu’elles cuisinent
elles ont bientôt pris la mine.
De la poussière qui les ceint
elles ont déjà pris le teint.
Les ménagères.
Rêvassant dans leurs torchons
elles voyagent à leur façon
et se disent qu’avec le temps
tout ira plus facilement.
Les ménagères.
Les v’là au bout du rouleau.
Elles sont usées jusqu’aux os.
Point d’statue pour les héros.
Et pour leurs droits c’est zéro.
Les ménagères.
Et c’est là leur Univers.
Mais il y a une récompense :
Grand cordon d’la Serpillière
et un coup d’pied où je pense.
Les ménagères.
Au début de leur destin
c’était pourtant des filles bien…
Esther Granek, Portraits et chansons sans retouches, 1976
http://www.poesies.net/depuis quelques temps une envie de relire Jane Eyre chez L....rc j'ai acheté cette version à petit prix 3.90€
en quelques 20 ans ( là je suis généreuse plutôt 10 de plus
oh temps suspend ton vol....comme disait Lamartine ) j'ai eu l'impression de retrouver une amie qui n'aurait pas vieilli
http://www.livraddict.com/biblio/book.php?id=240Pour Francine
A une fleur
Que me veux-tu, chère fleurette,
Aimable et charmant souvenir ?
Demi-morte et demi-coquette,
Jusqu’à moi qui te fait venir ?
Sous ce cachet enveloppée,
Tu viens de faire un long chemin.
Qu’as-tu vu ? que t’a dit la main
Qui sur le buisson t’a coupée ?
N’es-tu qu’une herbe desséchée
Qui vient achever de mourir ?
Ou ton sein, prêt à refleurir,
Renferme-t-il une pensée ?
Ta fleur, hélas ! a la blancheur
De la désolante innocence ;
Mais de la craintive espérance
Ta feuille porte la couleur.
As-tu pour moi quelque message ?
Tu peux parler, je suis discret.
Ta verdure est-elle un secret ?
Ton parfum est-il un langage ?
S’il en est ainsi, parle bas,
Mystérieuse messagère ;
S’il n’en est rien, ne réponds pas ;
Dors sur mon coeur, fraîche et légère.
Je connais trop bien cette main,
Pleine de grâce et de caprice,
Qui d’un brin de fil souple et fin
A noué ton pâle calice.
Cette main-là, petite fleur,
Ni Phidias ni Praxitèle
N’en auraient pu trouver la soeur
Qu’en prenant Vénus pour modèle.
Elle est blanche, elle est douce et belle,
Franche, dit-on, et plus encor ;
A qui saurait s’emparer d’elle
Elle peut ouvrir un trésor.
Mais elle est sage, elle est sévère ;
Quelque mal pourrait m’arriver.
Fleurette, craignons sa colère.
Ne dis rien, laisse-moi rêver.
Alfred de Musset, Poésies nouvelles